L'art à la source (Tome 1) - Arts premiers, arts sauvages (French Edition) by Claude Roy

L'art à la source (Tome 1) - Arts premiers, arts sauvages (French Edition) by Claude Roy

Auteur:Claude Roy [Roy, Claude]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782072691980
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2019-02-28T23:00:00+00:00


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La horde paléolithique tend au village néolithique, le village à la cité, la cité à l'empire. Un millénaire et demi avant notre ère, malgré les tendances centripètes des féodalités qui se constituent à l'ombre des monarchies, malgré ou à cause des invasions et des guerres de domination, le monde évolue vers la constitution de grands ensembles monarchiques. En Égypte, Aménophis Ier élargit les frontières de l'empire. En Mésopotamie, Samsi-Adad III étend son pouvoir jusqu'en Cappadoce. Dans le Proche-Orient l'empire hittite s'organise. En Égée le royaume maritime de Minos contrôle ou influence un territoire énorme, de Iasylos à la Grèce centrale. En Chine, la dynastie Chang tend déjà à dépasser le proto-féodalisme primitif dans une société qui va bientôt parvenir à l'âge du bronze. Partout l'écriture va devenir l'expression de la foi et l'instrument du pouvoir, les tablettes portant aux marches des empires les décrets du monarque et les ordres de ses ministres. Partout l'art, qui imposait, et continuera d'imposer la fascination du divin, va transmettre aussi l'imagerie d'un pouvoir temporel. Le sculpteur et le peintre étaient les serviteurs du spirituel, ils vont devenir par surcroît les propagandistes du charnel, du visage prépondérant de la nouvelle société des hommes : le portrait du roi, du pharaon et de l'empereur. Dans l'Amérique précolombienne, c'est aussi aux alentours de 1500 que l'on constate l'apparition des premières grandes civilisations (Zacatenco-Copilco) mais la constitution des grands empires sera dans ce cas infiniment plus tardive.

Les statues depuis des millénaires étaient la plupart du temps la projection d'un immortel dans le temps. Elles vont devenir la projection d'un mortel dans l'éternité. La vie dans l'art, ce qu'on appelle naïvement la ressemblance, naît de la mort, et du défi que lui lance cette magie-mort, l'image sculptée ou peinte. Un artiste égyptien de la XIIe dynastie, dans le texte d'une stèle du Louvre, révèle les ressources de sa science et les mérites de son art. Ce qu'il dit doit valoir pour d'autres civilisations que la sienne, partout où l'artiste est devenu à la fois le serviteur des dieux, l'employé du roi, le détenteur d'une sagesse et le fonctionnaire d'un passage vers l'au-delà, mage et faiseur d'image : « Je connais le secret des paroles des dieux, le cérémonial des fêtes et toute magie. Je les utilise sans que rien ne m'en échappe. Je sais l'allure de l'homme, la démarche de la femme, l'attitude courbée de celui qui est frappé. Je sais faire qu'un œil regarde l'autre. » Même si le propos d'un artiste de l'aurore des grands empires n'est jamais de retrouver ce que voit le regard subjectif mais de restituer, par les conventions de la perspective rabattue latérale, et de ce que Julius Lange a nommé inexactement « la loi de frontalité », la totalité de ce qu'il sait sur son modèle, par la mémoire, l'analyse et l'expérience, l'art n'est déjà plus tout entier une allusion abstraite à l'invisible, puisqu'il est une référence concrète au monarque visible et à ses serviteurs, échansons égyptiens, danseuses Tang, l'immense peuple éternellement



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